EXPOSITION EN AVANT PREMIÈRE À DROUOT

Exposition en avant première à Drouot de deux exceptionnelles sculptures qui seront proposées aux enchères le 9 juin prochain. 


LOT n°159
Ponce JACQUIO (vraisemblablement Rethel, vers 1515 - Paris, 1570)
La tireuse d'épine
Grande statuette en bronze à patine médaille vernie, figurant une jeune femme dévêtue se retirant une épine du pied.
Italie, XVIe siècle.
Hauteur: 25 cm - Largeur: 22,10 cm - Profondeur: 11,9 cm
Sur un socle en marbre noir mouluré.

Estimation sur demande

Ponce Jacquio, dit «Maitre Ponce», est le seul sculpteur français cité, sous le nom de Ponzio, par l'historien Vasari au XVIe siècle. Né probablement à Rethel vers 1515, il se forma en Italie, comme sculpteur et stucateur, où il fut membre de la Compagnie Saint-Luc à Rome. Il y travailla entre 1553 et 1556 pour le cardinal Giovanni Ricci au Palais Sacchetti. Retourné en France, il fut le collaborateur d'Androuet du Cerceau, de Germain Pilon et du Primatice avec lesquels il oeuvra notamment pour Fontainebleau, les Tuileries, le tombeau de François Ier, d'Henri II et de Catherine de Médicis à Saint-Denis. Il répondit également à des commandes privées comme pour l'Hotel de Rocquencourt, pour le château de Meudon du cardinal de Lorraine, pour le comte de Dammartin au château de Verneuil en 1560, pour des fontaines parisiennes et même pour des manteaux de cheminées en 1562 et 1564.
En France, il résida rue Montorgueil à Paris, à Montauban en 1566, puis dans une maison faubourg Saint-Marcel près des Gobelins achetée en 1567, et enfin rue de la Grande Truanderie à Paris où il décéda en 1570.
Un autre bronze du même sujet mais beaucoup plus petit et de facture assez rustique, datant également de la Renaissance, acquis en 1910 de la collection Whitecombe Greene est conservé au Musée du Louvre (OA 6416).
Il s'agit d'une rare statuette destinée à un cabinet d'amateur, mode répandue en Italie dès le XVIe siècle. La nouveauté est que le canon féminin devient plus réaliste, moins élancé et quasi-érotique.
Elle peut être contemplée de tous les côtés. La parenté avec les «Vénus au bain» de Jean de Bologne ou celles de Barthelemy Prieur s'explique par les séjours romains concomitants des trois artistes, influencés par les «spinaria» antiques. On peut enfin noter que, dans la quasi-totalité des figures de Ponce Jacquio, on retrouve le même profil grec au nez assez marqué.

Le modèle de cette statuette est connu grâce à la gravure la représentant, en 1710, dans la célèbre «Gallerie» de François Girardon qui en possédait un exemplaire en terre cuite (planche III, n°1, «Modèle de terre cuite de Paul Ponce»). Passée par la collection du célèbre collectionneur Crozat au XVIIIe siècle, redécouverte par Alain Moatti et Jacques Petithory, elle est, depuis 1980, conservée au Musée du Louvre (RF 3455). Le sujet, qui fait pendant au célèbre «Tireur d'épine» antique conservé au Musée du Capitole à Rome, est peut-être inspiré de la fresque «Vénus blessée par une épine», peinte en 1516 par Raphael pour orner la salle de bain du Cardinal Bibbiena à Rome, et gravée par Marco Dente.
Outre celui en terre cuite, figurant dans son inventaire après décès dressé en 1715 sous le n° 80, Girardon en possédait également un exemplaire en bronze décrit dans le même inventaire: «n° 123. Deux autres petites figures de bronze dont une sortant du bain et l'autre qui coupe ses ongles, 15 livres». Ce dernier est probablement celui (qui se trouvait dans la collection Pourtalès au XIXe siècle) conservé au Victoria & Albert Museum à Londres (A.13-1964).
On sait aussi que le cardinal Giovanni Ricci, mécène de Jacquio, emporta avec lui d'Italie vers la France «deux images de bronze» dont «une femme se retirant une épine du pied». Il obtint en effet, le 2 octobre 1557, une licence pontificale l'autorisant à exporter ces deux bronzes «modernes»*. Il est particulièrement tentant d'y voir celui ici présenté.

* Soucieuses de protéger leur patrimoine artistique antique, tant les autorités romaines que les autorités vaticanes ont tenté, dès la fin du XVe siècle, de légiférer pour mettre un frein au pillage artistique de Rome. C'est ainsi que le cardinal camerlingue fut chargé d'accorder quelques licences d'exportation à certains privilégiés au moyen notamment d'une licentia extrahendi. Ainsi le cardinal de Montepulciano, Guiseppe Ricci fut autorisé, par Mario Frangipani, «surintendant et conservateur», à exporter deux statuettes de bronze: «Licentia
Johanni cardinali de Montepolitiano extrahendi et quocumque voluerit convehendi duas imagines aeneas, alteram videlicet Mercurii et alteram mulieris spinam ex altero pede extranhentis recentiores».
Archives Vaticanes, armoire XXIX, Diversa Cameralia (tome 186, folio 106).

Provenance:
Transmis depuis au moins cinq générations dans la même famille parisienne.

Bibliographie:
- Mariette, Abécédario, 1729-1742, Paris, Dumoulin, 1857-1858, tome quatrième.
- Stanislas Lami, Dictionnaire des sculpteurs de l'école française du Moyen Âge au règne de Louis XVI, Paris, 1898, Klaus reprint, Liechtenstein, 1970, pages 458 et suivantes.
- Gazette des Beaux-Arts, Paris, 1928, premier semestre, pages 213 et suivantes.
- Bertrand Jestaz, Mélanges d'archéologie et d'histoire de l'École française de Rome, 1963, page 429.
- Yasmine Helfer, Ponce Jacquio: l'inaccessible étoile ?, Université Paris IV, Sorbonne, 2001, Mémoire de maîtrise sous la direction d'Alain Mérot et Geneviève Bresc-Bautier, (MM 2006-1).
- Yasmine Helfer, Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art Française, Paris, année 2005 publiée en 2006, pages 9 et suivantes.
- Geneviève Bresc-Bautier et Guilhem Scherf, Bronzes français de la Renaissance au siècle des lumières, Somogy - Musée du Louvre, Paris, 2008, pages 80 et suivantes.
- Alexandre Maral, Girardon le sculpteur de Louis XIV, Artena, Paris, 2015, pages 435 et 436.

Fiche détaillée

LOT n°228
Enrico PAZZI (1819-1899)
Portrait en pied présumé de Giulio Rasponi enfant, jouant avec son chien
Grande statue en marbre de Carrare, signée, localisée et datée «E. Pazzi scolpis Firenze 1873».
Sur un socle, gaine en noyer à plateau tournant, monogrammé LR (?) sous couronne comtale.
Hauteur: 127 cm - Hauteur du socle: 104 cm
Hauteur totale: 231 cm

Estimation : 80 000 / 100 000 €

Né à Ravenne où il fut élève à l'Académie des Beaux-Arts, Enrico Pazzi participa à la plupart des Salons italiens. Installé à Florence en 1853 où il décéda en 1899, sa célébrité vint notamment de la réalisation du monument érigé en 1865 à la gloire de Dante sur la piazza Santa Croce. Outre celui-ci, Pazzi sculpta en 1872 la statue de Savonarole, également à Florence, le monument équestre du prince
Michael Obrenovic III à Belgrade en 1882 et de nombreux portraits. Il était plutôt spécialisé dans la statuaire de grande dimension.
Une réplique de cette statue, signée et datée 1881, se trouvait sur le marché de l'art anglais, provenant de l'ancienne collection du Major James de Sales la Terrière (sa vente aux enchères du contenu du château de Dunalastair dans le Perthshire en mai 1954), puis vente chez Cheffins Auction House, à Cambridge le 19 juin 2014.

Provenance:
Selon la tradition familiale:

Famille Impériale:
Giulio Rasponi (1863-1916) était l'arrière-petit-neveu de Napoléon Bonaparte.
Il était en effet le fils de Gioacchino Rasponi (époux de Constance Ghika), le petit fils de Louise Murat (épouse de Giulio Rasponi), et l'arrière-petit-fils de la soeur de Napoléon, Caroline Bonaparte (épouse de Joachim Murat)
Cette statue représentant le jeune Guilio Rasponi âgé de 10 ans, a probablement été commandée en 1873 par ses parents à E. Pazzi qui était un ami proche. Elle fut donnée quelques temps après à la soeur de sa mère, la princesse Alexandrine Ghika qui était sa marraine. On peut penser que Pazzi en réalisa alors une réplique qui est celle, datée de 1881, qui se trouve en Grande Bretagne.
Puis par descendance directe de la Princesse Alexandrine Ghika.

Il y a une évidente parenté entre cette statue et celle de Carpeaux représentant le Prince Impérial avec son chien Néro, dont le marbre, conservé au musée d'Orsay (RF 2042) est daté de 1865. Cette dernière ayant eu un immense succès, elle fut tirée en bronze, porcelaine et terre cuite en de nombreux exemplaires, ce qui permet de penser que Pazzi l'a sûrement vue et a pu s'en inspirer. On peut aussi imaginer que c'est le commanditaire lui-même, cousin du Prince Impérial, qui a suggéré cette pose.

Fiche détaillée