UN TABLEAU D'ALFRED SISLEY ESTIME 600 000 / 800 000 €

Le 19 décembre prochain, Beaussant Lefèvre, assisté des experts Agnès Sevestre-Barbé et Amaury de Louvencourt, proposera aux enchères un important tableau d’Alfred Sisley provenant de l'ancienne collection Moïse Lévy de Benzion (1873-1943). Lévy de Benzion, déjà ce patronyme reflète la personnalité de cet homme hors du commun. Egyptien, Juif séfarade, il est hors de question pour Moïse d’imaginer pouvoir être confondu avec les autres Lévy autour de lui, il veut se distinguer ! C’est pourquoi il va accoler à son nom le prénom de son père Benzion ; la famille Lévy de Benzion vient de naître ! Homme d’affaire à la tête du Grand Magasin Benzion, rue El Azhar Au Caire, spécialisé dans les tissus et l’habillement (n’oublions pas que nous sommes en Egypte où le coton y est de la plus grande renommée). Il habite une magnifique maison, la villa Benzion. Raffiné, grand amateur d’art, la seule évocation de l'énoncé de la vente après décès, de sa propriété à Zamalek, les 14 mars 1947 et jours suivants des œuvres de sa collection nous donne une petite indication de son goût éclectique et de ses grandes passions : "Catalogue des tableaux, aquarelles, dessins, bronzes, objets d’art, pierre dure, porcelaine & bronze de Chine, ivoires, antiquités Egyptiennes & Gréco-Romaines, bijoux anciens, monnaies Gréco-Romaines, tapis, meubles, lustres, appliques, argenterie, livres, etc, etc." L’Egypte n’est pas son seul territoire. En France, à Draveil (Seine & Oise), son Château de la Folie renfermait des trésors tous aussi importants. Malheureusement le 6 novembre 1940 les nazis séquestrent ses biens et, à la lecture des 956 tableaux, meubles et objets, répertoriés au jeu de Paume à la demande du chef de l'Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg, on ne peut être qu’impressionné par l’extraordinaire qualité et diversité de cette importante collection. Là aussi les antiquités Gréco-romaines ou égyptiennes trouvent leur place parmi le mobilier des XVI, XVII ou XVIIIe siècles, mais le plus impressionnant est sa collection de peinture commençant avec les maîtres anciens tels Rembrandt, van Goyen, van Ostade, Poussin…, mais nous sommes surtout saisis par l’extraordinaire abondance de tableaux et gravures des XIX et XXe siècles ; pour n’en citer que quelques uns : Prud’hon, Ingres, Corot, Courbet, Théodore Rousseau, Delacroix, Boudin, Jongkind, Degas, van Gogh, Gustave Moreau, Gauguin, Toulouse-Lautrec, Pissarro, Sisley (à part le notre au moins trois autres !) et une impressionnante collection d’estampes De Chahine à Rops de Lautrec à Zorn ou Bracquemond ou bien encore Giovanni Fattori. L’inventaire est impressionnant, c’est plus qu’un collectionneur, c’est un « boulimique » de l’art. Lui-même s’est essayé à l’art du dessin. C’est ainsi qu’est passé aux enchères un carnet de dessins datant de 1941, que Moïse fit pendant son exil en Corrèze, où, étant donné les événements il s’était réfugié, dans le petit village de La Roche-Canillac. C’est là, le 26 septembre 1943, qu’il s’éteint. A.S-B. Le tableau d’Alfred SISLEY (1839-1899), « Le port de Moret-sur-Loing - Le soir, 1884 », pièce phare de la vente, est estimé 600 000 / 800 000 €. Il s’agit d’une huile sur toile signée en bas à droite qui a pour provenance : - Galeries Georges Petit, Paris. - Vente composant la Collection Georges Petit, Galeries Georges Petit, Paris, 4 & 5 mars 1921 N° 110 du catalogue de la vente. - Monsieur Simonson (acquis à la vente Georges Petit pour la somme de 20 100 Fr.). - Ancienne Collection Moïse Lévy de Benzion. Ce tableau figura dans l’exposition « Alfred Sisley », à la Galeries Georges Petit, Paris, du 14 mai au 7 juin 1917, sous le numéro 82 de l'exposition. (A gauche, la berge plantée d'arbres aux feuillages dorés. A droite, un sol sur lequel rampent les stries de soleil filtrées à travers les branches, faiseuses d'ombres. Au milieu, la rivière, toute lumière mouvante, avec, au fond, le pont de pierre dominé par les toits de tuiles rouges des maisons de la ville. In: N° 101 catalogue de la vente Georges petit cité supra.) Bibliographie : Alfred Sisley catalogue raisonné de l'œuvre peint par François Daulte, Éditions Durand-Ruel, Lausanne, 1959 décrit et reproduit sous le N° 546. Provenant également de l’ancienne collection Moïse Lévy de Benzion, on peut citer un « Nu de dos au drap blanc » et « Danseuses et abonné, 1905 » par Jean-Louis FORAIN (1852-1931), estimés respectivement 5 000 / 6 000 et 5 000 / 7 000 €, mais également un « Nu allongé » de Grigory GLUCKMAN (1898-1973) estimé 6 000 / 8 000 € ou bien encore des œuvres par Pierre Emmanuel Eugène DAMOYE (1847-1916) ou Jean François RAFFAELLI (1850-1924) Par ailleurs, appartenant à divers amateurs, on remarquera « L'arbre », une huile sur papier contrecollé sur carton par Odilon REDON (1840-1916), signée en haut à gauche et estimée 15 000 / 20 000 €. Le thème de l'arbre est récurent chez Redon, particulièrement l'arbre unique, seul, isolé, entier ou juste un détail de son tronc qui devient ainsi, par l'importance de sa présence, un véritable personnage. Alec Wildenstein, dans son catalogue raisonné, exprime bien l'importance de ce sujet : C'est parfois là où on l'attend le moins que Redon étonne le plus. C'est lorsqu'il se croit "seul", sans public à convaincre ni critique à rallier, qu'il se libère pour surprendre et véritablement séduire. Autrement dit, Redon n'apparaît jamais autant pleinement maître de son art et de lui même, que dans ses études d'arbres, en noir ou en couleurs, accomplies ou laissées à l'état d'ébauche, qui scandent son œuvre entier dont elles sont la face immergée, son côté pile : la plupart de ces études devaient en effet demeurer dans l'atelier, cachées aux regards et à la connaissance. Ce n'est qu'après la disparition de l'artiste en 1916 que les peintures de paysage avec un ou plusieurs arbres - qu'il appelait lui même "études pour l'auteur" - furent révélés au public, dès 1917 et 1923, lors des expositions organisées chez Bernheim-Jeune et Druet… De Serge CHARCHOUNE (1889-1975), « Arabesques en sol, 1945 », une huile sur carton, signée en bas à droite est estimée 15 000 / 20 000 €, tout comme « Envol de la saucière, 1946 », une huile sur carton, signée en bas vers la droite. A noter également par Serge POLIAKOFF (1906-1969), une huile sur toile, « Sans titre », signée des initiales en bas vers la droite estimée 25 000 / 35 000 € et par Jean FAUTRIER (1898-1964), une « Branche de feuilles au verre », huile sur toile signée en bas vers la gauche, estimée 18 000 / 22 000 €. Une « Composition au tournesol, 1953 » de Fernand LÉGER (1881-1955), plaque en fonte émaillée signée et datée 53 en bas à droite, est estimée 15 000 / 20 000 €. Elle a appartenu à Fernand Léger et a figuré dans l’ancienne collection Jean Lescure (Cadeau de l'artiste). Il existe dans les archives du Musée National Fernand Léger à Biot, une photo de cette plaque avant émaillage. Cette plaque en fonte est vraisemblablement une pièce unique réalisée par Fernand Léger avec la collaboration de la fonderie de Baudin. Enfin, par Guy de CHAUNAC-LANZAC dit DOM ROBERT (1907-1997), « Prairial, 1963 », une tapisserie d'Aubusson, signée et datée en bas vers la droite, Tabard Frères et Sœurs éditeurs, resignée et numérotée 1115 au dos, est proposée à 20 000 / 30 000 €. Un exemplaire similaire figurera dans les collections du futur musée Dom Robert et de la Tapisserie du XXème siècle. BEAUSSANT LEFÈVRE Commissaires-priseurs 32, rue Drouot – 75009 Paris 01 47 70 40 00 – www.beaussant-lefevre.com Expert : A. de Louvencourt et A. Sevestre-Barbé 01 42 89 50 20