UN ENSEMBLE EXCEPTIONNEL DE PORTRAITS DES “INVITES” DU CHANCELIER METTERNICH (Coblence, 1773 - Vienne, 1859)

UN ENSEMBLE EXCEPTIONNEL DE PORTRAITS DES “INVITES” DU CHANCELIER METTERNICH (Coblence, 1773 - Vienne, 1859) VENTE AUX ENCHERES LE 4 MAI à DROUOT - Salle 6 Le prince Clemens Wenceslas Metternich et son épouse la princesse Mélanie Clemens Wenceslas, prince de Metternich-Winneburg-Beilstein, était un diplomate et homme politique qui se consacra, sa vie durant, au maintien de la position autrichienne et de l’équilibre des puissances. Après avoir étudié à l’université de Strasbourg, où il fit la connaissance de Benjamin Constant, Metternich devint ambassadeur à Berlin avant de partir pour Saint-Pétersbourg, lorsque Napoléon demanda à rencontrer un membre de la puissante famille Kaunitz, à laquelle Metternich était allié par son premier mariage. En effet, il avait épousé la fille du prince Kaunitz-Rietberg en 1795, dont il eut sept enfants. Ambassadeur à Paris de 1806 à 1809, il entretint d’excellentes relations avec Talleyrand. Après la bataille de Wagram en juillet 1809, le prince Metternich retourna à Vienne pour signer l’humiliante défaite comme ministre des Affaires Etrangères. Feignant de maintenir des relations amicales avec la France, il organisa le mariage de Napoléon avec Marie-Louise d’Autriche en 1810. Metternich fut par la suite l’un des principaux acteurs du Congrès de Vienne en tempérant l’esprit de revanche des alliés contre la France tout en essayant de rétablir l’influence de l’Autriche. Dans cette Europe mouvementée, Metternich fut le personnage le plus influent de la Sainte-Alliance, notamment face au tsar Alexandre Ier. Il fut le garant de l’ordre issu du congrès de Vienne, au point d’être surnommé “le gendarme de l’Europe”. En troisième noce, le prince Metternich épousa la comtesse Mélanie Zichy-Ferraris, de trente-deux ans sa cadette. La mère de Mélanie avait été courtisée par le tsar Alexandre Ier lors de son séjour à Vienne après le congrès d’Aix-la-Chapelle en 1818. À cette époque, son salon était fréquenté par la haute société viennoise et devait son succès non seulement à son hôtesse mais également à ses filles Henriette, Emilie et Mélanie. Mélanie hérita du caractère de sa mère ainsi que de sa beauté magyare. Dès l’âge de treize ans, la jeune Mélanie séduisait par ses idées originales les habitués du salon de sa mère, dont Metternich. Mélanie avait déjà un faible pour le célèbre chancelier. En 1825, lorsque la première femme de Metternich mourut, Mélanie et sa mère espéraient enfin créer un lien entre les deux familles. Elles accueillirent donc avec amertume l’annonce des fiançailles de Metternich avec la jeune Antoinette Leykam à l’automne 1827. Mélanie se fiança par dépit au baron Clemens von Hügel. Entre temps, la seconde épouse de Metternich mourut en mettant au monde un fils, Richard. La voie était libre pour Mélanie, qui ne s’était pas encore définitivement engagée. À peine deux ans plus tard, les Zichy-Ferraris virent enfin leur désir exaucé. Le prince Metternich épousa Mélanie le 30 janvier 1831. Les invités de Clemens Wenceslas et Mélanie Metternich Le troisième mariage de Metternich correspond à la seconde phase de sa carrière diplomatique et politique. Les personnages dont nous avons connaissance par la collection de Mélanie sont ceux qui fréquentèrent son salon. Cette fascinante galerie de portraits réunit toutes les couronnes princières des principautés et des royaumes allemands. On y remarque les effigies de Friedrich Wilhelm IV de Prusse, Auguste II de Saxe, Louis Ier de Bavière, le prince de Wasa (héritier de la couronne de Suède), des membres des familles Hohenzollern, Nassau, Mecklenburg, Saxe-Weimar, Thurn und Taxis, Liechtenstein, Württemberg, etc. L’Europe n’est pas en reste. Pour la France, le comte de Chambord, fils du duc de Berry. Pour l’Espagne, le duc d’Osuna et Don Juan de Bourbon. Pour l’Angleterre, le marquis de Londonderry et Adolph Frederick de Cambridge. Pour la Hollande, le prince Wilhelm de Hollande. Enfin pour la Russie, le tsar Nicolas Ier lui-même. Les ambassadeurs de la Sublime Porte et des personnages turcs influents sont également portraiturés : Hussein Khan, Riffat Pacha, le sultan Abdul Mejid, Ismaïl, fils d’Ibrahim Pacha. Enfin, la maison Habsbourg avec les portraits d’Albert et de François-Charles, princes impériaux, l’archiduc Stephan et l’empereur François-Joseph. Plus intimes, les portraits des familles Metternich et Zichy-Ferraris complètent cet ensemble unique. Lors de la révolution de 1848, l’absence de soutien de la part de l’empereur Ferdinand Ier, réfugié en Bohême, obligea Metternich à démissionner. Moritz Michael Daffinger et la sensibilité artistique de la princesse Mélanie Le prince de Metternich aimait les sciences, les lettres et les arts qu’il cultivait pendant ses loisirs. La collection de portraits des personnalités qui fréquentèrent Metternich fut constituée par la princesse Mélanie. Le 28 novembre 1836, elle note dans son journal : “Lord Alvanley m’apporta son portrait peint par Daffinger. Avec cela, je dois commencer une collection riche que je veux constituer et qui me procurera beaucoup de plaisir”. En novembre 1836, lorsqu’il commença à être fréquemment en contact avec la princesse Mélanie, Moritz Michael Daffinger atteignait la gloire ; il est nommé la même année membre de la Wiener Akademie. Metternich avait dû le remarquer car il était lui-même conservateur de l’académie de Vienne. En 1812, il demanda à l’artiste alors âgé de vingt-deux ans de peindre ses quatre enfants issus de son mariage avec la princesse Eleonora (Lorel), née Kaunitz. Ce charmant portrait de groupe est le premier exemple de l’œuvre de Daffinger en tant que miniaturiste. Il avait appris cette technique en peignant sur porcelaine à la Manufacture de Vienne. Le mécénat de Metternich fut une occasion fabuleuse d’accéder aux illustres invités et artistes présents pour le congrès de Vienne en 1814-1815. À cette époque, Daffinger fit la connaissance de Jean-Baptiste Isabey, qui se trouvait à Vienne en 1812. Il se fit portraiturer par lui pour apprendre sa technique et connaître le matériel qu’il utilisait. Par la suite, son art fut également très influencé par le portraitiste anglais Thomas Lawrence. Au début de l’année 1837, Daffinger fit son premier portrait de la princesse Mélanie, coiffée d’un magnifique turban rouge. Mélanie employa Daffinger également comme miniaturiste. En 1833, elle lui commanda une miniature du portrait de son époux pour orner une boîte en or qu’elle souhaitait offrir à son ancien secrétaire privé, Joseph von Pilat. Pendant des années, Daffinger peignit des portraits de la famille Metternich. En 1846, il fit le portrait de Pauline Séandor, la petite-fille du prince, alors âgée de dix ans. Daffinger travailla pour Metternich jusqu’à sa mort en 1849. Son dernier portrait date du 28 octobre 1847. La collection de portraits Dans les premiers mois, Daffinger recevait constamment des commandes de la part de la princesse Mélanie. Le portrait de Lord Alvanley, le 28 novembre 1836, fut rapidement suivi par d’autres effigies. Le 19 décembre, Mélanie présenta les premières feuilles de sa collection lors d’une soirée privée donnée par la mère de l’impératrice, Caroline Augusta. À la fin de l’année, la princesse Mélanie détenait déjà quinze portraits. Elle commandait les portraits des invités prestigieux de son époux ainsi que ceux d’amis proches. Daffinger faisait une esquisse rapide de ses modèles puis fignolait sa miniature de mémoire. Au delà de l’apparence, Daffinger réussissait, à partir de son ébauche, à rendre la psychologie des personnages portraiturés. Le peintre Kriehuber suppléait Daffinger dans son labeur immense. Les deux peintres ne pouvaient pas toujours répondre aux abondantes commandes de portraits et demandaient parfois à des collaborateurs et à leurs meilleurs élèves de les assister. C’est pourquoi on trouve dans la collection d’autres artistes comme Alois Anreiter, Alexander Clarot, Franz Eybl, Karl von Saar ou Ferdinand G. Waldmüller. On trouve également des portraits de personnalités qui ne se rendirent jamais chez les Metternich mais dont les effigies furent commandées par Mélanie, à l'instar de celle du roi Frédéric Guillaume IV de Prusse, ou du portrait du sultan Abdulmecid Ier, dessiné par Anreiter. Pendant les années d’exil en Belgique et en Angleterre, de 1848 à 1851, la princesse Mélanie continua sa collection en faisant appel à des peintres locaux. Cependant ; elle appréciait tellement l’art de Daffinger qu’à son retour à Vienne elle retira les portraits d’exil de ses albums pour les remplacer par des oeuvres de son peintre favori. Bibliographie : KUGLER Georg, “Staatskanzler Metternich und seine Gäste. Die wiedergefundenen Miniaturen von Moritz Michael Daffinger, Joseph Kriehuber und anderen Meistern aus dem Gästealbum der Fürstin Melanie Metternich” (Le chancelier Metternich et ses invités. Les miniatures redécouvertes de Moritz Michael Daffinger, de Joseph Kriehuber et d’autres artistes issues de l’album d’invités de la princesse Mélanie Metternich), Vienne, Styria, 1991. MINIATURES DE MORITZ MICHAEL DAFFINGER (Vienne, 1790-1849) Daffinger entra à la manufacture de porcelaine de Vienne à l’âge de 11 ans. Elève de Füger, il copia un grand nombre de ses miniatures. Daffinger est, avec ce dernier, l'artiste le plus reconnu de l'école autrichienne du XIXe siècle. Après avoir absorbé la leçon de Jean-Baptiste Isabey en 1812, sa rencontre en 1819, lors du congrès de Vienne, avec le peintre Thomas Lawrence, fut déterminante pour sa propre évolution artistique et son style plus romantique. Il se détacha de l’influence de son maître. Il se spécialisa dans l’art de la miniature et du portrait, où il excella dans la finition des détails. Les portraits sont esquissés au crayon noir puis finement gouachés au pinceau. Ces milliers de petites touches forment un ensemble de facettes qui reflètent son talent de miniaturiste tout en mettant en exergue le caractère de son personnage. Très apprécié de la famille impériale, il fit de nombreux portraits de ses membres, ainsi que d’une grande partie de la haute aristocratie de “passage” à Vienne. Il fut surnommé “l’Isabey de l’Autriche”. Daffinger signait ses portraits qu’il faisait ensuite “autographier” par ses modèles.